Petite leçon sur l'humour à méditer!!
Étant, après le bon sens, la chose la mieux partagée du monde, l'humour fait rarement défaut en quelque lieu que ce soit (mais pas à tout moment). Les sociétés austères sont encore celles où il est le plus florissant (humour anglais), par réaction.
Origines.Le rire est sans doute né chez l'être humain (déjà chez le chimpanzé?) d'une prise de conscience de son existence, de sa marginalité, d'un soi-même (ipséité) dont le contenu a priori est le néant instantané de la conscience d'autre chose (mais sur le fond de ce néant peut s'inscrire n'importe quoi, jusqu'à l'infini). Il crée ce qu'il met en exergue par cette distance répercutée sur tout ce qui se montre à un être à soi. Les types d'humour ont commencé à se développer à partir du moment où un individu peut puiser dans sa distance au langage en-dehors de sa fonction première de communication.
Il y a un lien à faire entre l'humour (ou l'ironie) et les récits mythiques. Ceux-ci se présentent souvent sous la forme de devinettes ou d'énigmes dont le caractère ludique annonce le trait d'esprit et les jeux de mots. Samson trouve du miel dans le squelette d'un lion: il déclare:
"le fort a produit le doux", sûr de ne pouvoir être compris.
Le défi est lancé mais les frères de Déborah l'emporteront car elle leur a glissé la clé de l'énigme...
"Si vous n'aviez labouré avec ma génisse..." grommelle Samson.
Celer le référent, c'est bien démonter le langage figuré. Le rejet apparent du sens est création de nouveaux sens, liés à la situation mais plus encore à la personne même.
Le fou du roi est une institutionnalisation de cette liberté de dire, sous couleur de jeux, les vérités que les courtisans se seraient acharnés à voiler, comme la nudité du prince dans le conte d'Andersen.
Postérité.Le trait d'esprit, le jeu de mot et la plaisanterie ne se manifestent pas seulement dans le discours que l'on pourrait appeler humoristique. On les retrouve à travers les siècles dans un grand nombre d'autres discours, comme le discours politique
L'Orateur de Cicéron:
«l'orateur portera souvent les esprits à l'enjouement ou au rire» L'humour sert à faciliter la communication en créant un rapport de familiarité, une complicité entre destinateurs et destinataires.
Il a en outre pris d'assaut les salles de spectacles [ et séduit même les rois et les seigneurs qui raffolent de bouffons! ]
Définition et fonctionOn peut distinguer des niveaux: humour grossier (Rabelais), populaire familier (
la peur des piqûres, ça peut-il se guérir par l'acupuncture?), fin (Valéry:
la bêtise n'est pas mon fort), snob (
Le mendiant: Merci. Marie-Chantal: Merci qui?)... On peut distinguer un jeu sur la langue: jeux de mots (
Je me heurte à mon facteur. Il me dit: Vous courriez?), calembour, contrepèterie; un jeu sur le sens: bon mot, trait d'esprit, concetti; et un jeu sur la réalité: histoire drôle (souvent sur les caractères nationaux), comique de situation (dans le théâtre de boulevard), les mots d'enfants (
ce n'est pas la peine que j'apprenne à lire puisque je saurai quand je serai grand), l'humour involontaire (Zola:
elle avait mangé sa soupe sérieusement, sans ouvrir les lèvres), la raillerie (Boileau: J'ai vu l'Agésilas / Hélas), l'auto-ironie (Desproges:
Vous vous êtes regardés? Vous m'avez vu dans la glace?), l'humour noir, l'humour pataphysique, le grand-guignol et enfin le nonsense (Satie:
Plus de cheveux courts: arrachez-les).
L'écrivain humoristique [ou le bouffon] se sert des ressources inépuisables du monde et du langage (ex.: la polysémie) et y souligne des lacunes ou y introduit de la subversion (
Sa Majesté la ruine d'Angleterre). Ses jeux, en créant une ambiguïté, une hésitation, voire un non-sens (humour absurde), refusent l'univocité et l'intelligibilité des institutions et des usages. Il parvient à faire signifier autre chose aux mots, à faire fonctionner autrement la grammaire (
il était une fois un rein et une reine), détournant ainsi le langage de ses fonctions premières de sens et de communication (celle-ci se trouve compromise momentanément par le choc inattendu du jeu de mot, de la plaisanterie ou du trait d'esprit). Il provoque une rupture dans l'enchaînement logique des mots et des situations. L'effet de surprise est essentiel, sinon il n'y a ni rire ni sourire. Il ébranlent les édifices des concepts, notions, idées en révélant les failles du code où ils sont érigés. Ils peuvent rabaisser les prétentions du langage et de la logique en cédant à la gratuité, à la sottise, à la vulgarité (ex.: les calembours, les contrepèteries, les plaisanteries grivoises).
En contestant le langage, c'est au fond les valeurs des institutions auxquelles il sert de véhicule que contestent les types d'humour.
L'humour peut donc avoir une fonction sociale importante et devenir une arme redoutable contre les préjugés, les interdits et les tabous (l'humour à la fois lutte contre le sacré et se nourrit de lui); cette arme est d'autant plus efficace qu'elle prend une apparence anodine. L'humour n'a jamais fleuri autant que dans des contextes où l'ordre et le sérieux s'imposaient.
L'effet est de ridiculiser et remettre en question le «bon goût» et les usages. Déjà Diogène le cynique, dans la Grèce antique, contestait par des traits d'esprit et par un comportement extravagant les valeurs de son temps. Le conquérant Alexandre lui offre l'occasion de lui demander quelque chose:
Ôte-toi de mon soleil s'entend-il répondre.
L'humoriste (au sens large) se trouve décalé, il prend ses distances par rapport à la société.
Source:http://www.cafe.umontreal.ca/genres/n-humour.html